« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste, si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. » Affirmation étrange que cette phrase de Jésus, pourtant ceux et celles qui vivent au contact de la terre, les agriculteurs savent t à quel point cela est vrai ! Nous retrouvons Jésus, selon l’évangile de Jean, à un moment crucial de son existence. Il vient d’entrer à Jérusalem, il a été interpellé (Jean 10,21 à 40) certains croient en lui, mais d’autres doutent et lui demandent de se dévoiler ; dans la foulée les chefs du peuple décident de le faire mourir. Jésus est accepté par certains et contesté par d’autres. Il est en marche vers sa mort et l’épisode du crime odieux de la Croix. Même s’il est contesté sa popularité grandit et le texte laisse entendre que des Juifs grecs venus de la diaspora voudraient le voir lui parler, le rencontrer. Jésus refuse et ne leur adresse que cette phrase que nous retenons pour notre méditation. Jésus refuse la popularité. Il ne souhaite pas que les signes ou les miracles conduisent la foule à ne voir en lui qu’un faiseur de miracles. Il ne veut pas non plus qu’on le considère comme un candidat à la messianité politique. Il ne veut pas que les divergences exprimées à son sujet aboutissent à le considérer comme un agitateur qui vise à renverser le pouvoir. Jésus conteste les pouvoirs politiques, mais ne veut pas se servir de la violence pour renverser ceux qui détiennent l’autorité. Pourtant par bien des aspects son message est politique. Il vit dans la proximité des exclus, il annonce la Bonne Nouvelle messianique pour les opprimés, il propose et enseigne une certaine liberté par rapport à la Loi, il manifeste une distance, voire une opposition vis-à-vis des autorités instituées. Jésus dans sa manière d’être et de vivre tout comme dans sa manière d’enseigner la volonté de Dieu veut conduire ceux qui l’écoutent à établir une autre relation à Dieu et à établir de nouvelles relations entre les humains. Il dénonce les abus de pouvoir scandaleux et méprisants qui se retranchent derrière une interprétation fallacieuse de la Torah. Le sauveur selon lui est celui qui vient changer les choses à la racine qui vient planter de nouvelles graines pour faire émerger une réalité nouvelle. Jésus se compare ici à une graine. Une graine, c’est petit, fragile, on peut l’écraser et la réduire en miettes en un tour de main. La Parole de Dieu peut nous paraître fragile et il est possible de la mépriser de l’ignorer, mais si nous y prenons garde, elle pousse et produit des choses inespérées. Jésus nous invite à avoir foi en lui en ce qu’il dit et propose. Les hommes désirent la puissance. Dieu en réponse à sa foi en propose une autre. Il ne s’agit pas d’une volonté de domination, mais de la puissance de l’amour qui peut tout changer, refondre, réconcilier, réparer, reconstruire. En ce sens l’amour de Dieu est tout-puissant, il n’est pas à confondre avec le mythe et l’ambiguïté d’une volonté de puissance humaine et dominatrice, irrespectueuse et méprisante, écueil d’un orgueil infini. Il est question ici de respect et d’un don total et inconditionnel : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il lui a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16). Un don qui vient rebâtir toutes choses. Accepter d’entendre cette parole et se convertir veut dire devenir fils et accueillir la grâce du Père selon la volonté de Dieu. C’est entendre cette parole qui nous dit comme le père de la parabole du fils prodigue le dit à son fils aîné : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi » (Lc 15,31). Mais ce fils aîné ne comprend pas la réception fastueuse organisée par son père lors du retour de son frère cadet qui a dépensé sa fortune avec des prostituées. La conversion suppose un travail sur nous-même, cela peut être lent… Car le cœur de l’homme est compliqué et malade. Il ressemble parfois plus à un ordinateur rempli de virus qui détraquent son fonctionnement. L’apôtre Paul constatait en lui-même la force de ce qui en son être lui faisait accomplir le mal qu’il ne voulait pas faire et l’empêchait de faire le bien qu’il souhaitait. L’apôtre des nations se reconnaît alors malheureux dans ce combat intérieur pour le Christ et contre le mal et le Malin (cf. Rom 7,24). Jésus sera bientôt arrêté, jugé, crucifié et ressuscitera. La croix ne lui sera pas épargnée, mais ce qu’il a lui-même semé portera du fruit. Ceux qui croyaient que le mettre à mort suffirait à étouffer définitivement son œuvre, son mouvement et son enseignement se sont trompés. La foi qui va animer les témoins et les disciples, elle va bientôt faire naître une communauté d’hommes et de femmes qui vont être porteurs de la parole de nouveauté de vie. Jésus devra donc mourir, cela est devenu inévitable, mais il aurait pu en être autrement. La croix va révéler cependant l’immensité de l’amour de Dieu et de son combat pour sauver l’humanité. Les hommes ont ici voulu mettre Dieu en échec, mais Dieu suscite à nouveau la vie. Dieu peut être confronté à l’obstination des humains, mais il n’est jamais totalement battu. Le grain semé et apparemment écrasé va renaître et se multiplier. La puissance de Dieu va agir. Jésus le croyait ! Jésus le voyait, il l’imaginait et comprenait ce que cela allait produire. En aucun cas Dieu ne s’est lassé, il n’a pas jeté l’éponge. Il a, certes, avec l’humanité qu’il a créée libre, perdu des batailles, mais il n’a pas perdu la guerre. Dieu a subi des échecs, mais ceux-ci ne constituent pas un point final. Il ne les accepte pas, il réagit et les surmonte. Après la désobéissance d’Adam et d’Ève, après le meurtre de Caïn, après le veau d’or, après les trahisons d’Israël et des Églises, il ne renonce pas. Il recommence et redresse la barre. Ici en Jésus de Nazareth Dieu riposte à la Croix en ressuscitant Jésus. Il le fait avec vigueur et inventivité. Il n’a pas abandonné la cause humaine. Il n’a pas abandonné à la mort de Jésus. Il a réussi à surmonter une situation que l’on pouvait croire indépassable. Vendredi saint et Pâques jouent un rôle fondamental pour la foi chrétienne. Ces deux évènements nous redisent sans cesse que l’amour de Dieu n’a pas disparu. Dieu demeure le maître de toutes choses. Il combattra toujours jusqu’à ce qu’il atteigne son but une humanité réconciliée avec lui et les uns avec les autres. Certains théologiens disent, ici il aura le dernier mot ! Mais cette victoire ne sera pas la victoire d’un despote intolérant, versatile et pernicieux, mais de celui qui va nous permettre de vivre pleinement. Dieu désire la vie, la suscite, la rend triomphante. Le temps de Pâques est là pour nous comme le signe définitif, incontestable du but qu’il poursuit. La croix et l’épisode de la résurrection nous donnent l’assurance qu’il en sera ainsi. Dans nos vies, il nous faudra aussi mourir physiquement mais aussi mourir à ce que nous avons été et au mal qui nous a tellement défiguré. Marcher vers Pâques, c’est aussi pour nous faire notre examen de conscience. Marcher vers Pâques, c’est rejeter ce qui empêche notre évolution vers la liberté et accueillir celui qui peut nous aider à marcher vers sa lumière infinie. Bientôt nous pourrons le proclamer : il est ressuscité et une vie nouvelle peut commencer ! Amen Cantique après la prédication 43.06 § 1, 3 & 4 : "Mon Dieu m