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Prédication : Noël, beauté cachée du monde

Amis, frères et sœurs,

Peut-être vous souvenez-vous d’un film américain, sorti en 2016, qui s’appelait « Beauté cachée ». C’est une histoire poignante qui peut parler à beaucoup d’entre nous. Un homme est désespéré après la mort de sa fille. Découragé, il a besoin de se reconnecter à la vie, à l’amour, alors qu’il craint la mort. Pour cela il a besoin de temps. Et pour se reconnecter au monde des vivants, il écrit des lettres, qu’il envoie par la poste. Des lettres qui n’arrivent pas, parce qu’il écrit au Temps, à l’Amour et la Mort, en s’adressant à ces notions comme à des personnes. Puis il fait de nouvelles rencontres humaines, qui vont incarner le Temps, l’Amour et la Mort, et il va dialoguer avec eux et continuer de vivre, et surmonter le chagrin de la mort de son enfant, et surtout retrouver la beauté cachée de toute chose qui aide à vivre.
Je suis toujours attentive aux publicités dans le métro, en particulier celles qui sont proposées par « Médecins du monde ». Peut-être vous-mêmes y êtes-vous sensibles. Qui pourrait citer celle de cette année ? Elle est très discrète. Un médecin ou une aide-soignante s’occupent d’une personne hospitalisée, avec cette attention toute spécifique. Et on lit ceci « Là où les pires douleurs sont souvent muettes ». Rien d’autre.
Mais qui se souvient encore de celles des années précédentes, représentant un camp de réfugiés, une photo noir et blanc, une sorte de jungle de Calais, sous la pluie, avec « Beauté du monde » écrit en gros. Il ne faut pas aller très loin de chez nous pour savoir que cela existe.  Qui se souvient encore de ce paysage dévasté par un cyclone, une ville réduite à néant par une coulée de boue, avec ce texte saisissant : « Beauté du monde. Pour l’entrevoir, il faut parfois le pire. Le ciel assombri en un cauchemar mugissant. Des arbres devenus brindilles. Des tôles pareilles à du carton. Il faut les cris de terreur devant l’eau, la boue, le vent, dont la furie emporte tout. Il faut le choléra, l’ironie de la soif après tant d’eau déversée. Et c’est alors, et seulement alors qu’on l’aperçoit. Entre les murs d’un centre de soins érigés pour ceux qui n’ont plus rien. Sur le visage d’un homme qui, enfin, a pu boire. Dans le regard d’une mère dont on a pu sauver l’enfant.  C’est ça la beauté du monde ».

Chaque année, Noël arrive avec son cortège de musiques, de lumières, de vitrines décorées et de cadeaux. Mais en même temps des nouvelles alarmantes du monde empêchent que notre joie soit parfaite. Combien de personnes vont-elles passer Noël en pleurs ? Et en révolte ? à cause de la guerre, à cause de la mort, à cause de l’absence ?
Aujourd’hui, une autre parole arrive à nos oreilles. « Au commencement était la Parole ». (Jean 1:1) ; rappelant une autre Parole, celle du livre de la Genèse, (Gn 1:3) qui, au début du monde, fait apparaître la lumière, du cœur des ténèbres. A partir de cette Parole et de cette lumière, tout est bon et même très bon, en particulier quand il s’agit de l’être humain. Toute la diversité de notre monde prend place. Le chaos s’organise pour devenir un monde vivable, vivant et habitable. A cause d’une parole. Grâce à une parole. Qui deviendra la Parole.
Beauté cachée de la Parole qui accompagne chacun, chacune, sans qu’on le sache parfois, Parole créatrice qui redonne la vie :  Jean l’Évangéliste la reconnaît dans un homme, Jésus-Christ. Dans sa voix, sa façon de s’exprimer, dans ses gestes, sa façon d’être avec tous ceux qu’il rencontre. Jean l’Évangéliste réalise que c’est cet homme qui est la Parole faite chair. Sa présence, c’est la présence même de Dieu, qui plante sa tente de réfugié au milieu du monde dévasté.

Jésus, beauté cachée du monde ? Mais, alors, beauté vraiment très cachée ! Parce que le texte continue et il est troublant.  On dirait qu’il y a une sorte de résistance ! « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas « comprise », ou, ne l’ont pas « reçue », ou encore, ne l’ont pas « accueillie », selon les traductions. C’est étrange : tout le monde crie pour avoir la lumière, tout le monde a besoin de lumière, mais quand elle est là, personne n’en veut. C’est curieux. La lumière contiendrait-elle, en elle-même un échec ? Ou une limite ?
D’autres traductions se risquent à quelque chose de plus positif : « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres n’ont pas pu l’arrêter ». Le texte grec dit : « les ténèbres ne l’ont pas saisie » ou attrapée. Cette lumière est toujours en liberté.
Cette parole fait son chemin jusqu’à moi. Pour que cette parole puisse vous parvenir en ce jour de Noël aujourd’hui. Rien n’a changé entre hier et ce matin, et pourtant tout est nouveau. La lumière continue de se diffuser tout doucement. Elle passe par des chemins insoupçonnés. Pour l’entrevoir, il faut parfois le pire, comme le dit Médecins du monde. Mais il y a des personnes, comme l’écrit Jean l’Évangéliste, qui perçoivent cette lumière, qui l’accueillent dans leur vie, et qui la transmettent. Ces personnes deviennent à leur tour source de lumière pour les autres. C’est la beauté cachée de Noël.
Les ténèbres sont toujours là, avec ses forces d’anéantissement, ses forces de violence qui viennent sabrer les plus belles tentatives de vie, d’amour, et d’espérance. Aujourd’hui, peut-être plus qu’avant, nous pouvons être témoins du pire, à cause de la rapidité de l’information. La terreur qui frappe de nombreux pays à travers le monde, la tyrannie, la violence, l’exil des réfugiés, qui ne se résoudra par des lois inhumaines, sont autant de marqueurs qu’on peut relire à la lumière du récit de Noël.  Antoine Nouis dans l’un de ses éditoriaux dans le journal Réforme rappelait il y a quelques temps, que « L’Évangile ne nous parle pas d’un monde imaginaire, (comme celui de Peter Pan) qui nous consolerait de celui-ci. Le Nouveau Testament ne nous dit pas que les choses vont s’arranger, il ne dit pas non plus que la violence va s’arrêter. Il ne dit même pas que nous serons épargnés. Il dit seulement que du cœur du chaos de notre monde, une espérance est née. » (Antoine Nouis, éditorial du journal Réforme du 22 décembre 2016).

Aujourd’hui il n’y a pas encore de « cessez le feu », ne serait-ce qu’humanitaire, à Gaza. Mais en forme de résistance, nous célébrons Noël, rappel de cette espérance qui est née un jour en Palestine, à Bethléem. Et ainsi manifester notre soutien à celles et ceux qui sont victimes de cette guerre, d’un côté comme de l’autre. Aujourd’hui la guerre continue en Ukraine, mais nous célébrons Noël pour résister contre le désespoir, et relayer un appel inlassable à la fraternité et à la solidarité.
Noël c’est la fête de Jésus, le Christ, lumière du monde, venue pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance. (Jean 10:10).
Ce ne sont pas les violents qui diffusent ce message.
Ce sont les pacifiques, les doux, les pauvres en esprit, les artisans de paix (Matthieu 5), ceux qu’on ne voit pas toujours, ceux qui écoutent, soignent, consolent, sourient, accueillent, donnent à manger et à boire.
Jean L’Évangéliste écrit encore ceci : « En lui était la vie et cette vie donnait la lumière aux hommes ».
« Je suis la lumière », dira Jésus, dans ce même évangile. (Jean 8).
Est-ce vrai aujourd’hui pour les êtres humains de notre monde qui vivent dans la peur et la violence de tous ordres ?  
Qui va pouvoir le leur dire, sinon les gens de bonne volonté, qui vivent d’ailleurs de cette même lumière ? Et d’abord, qui sont-ils ?
Les gens de bonne volonté, c’est vous, c’est nous, c’est toi, c’est moi, là où nous sommes placés. Le message est entre nos mains, c’est à nous de le dire au monde, puisque le Christ nous a dit que nous sommes la lumière du monde. (Matthieu 5:13). Nous sommes chacun pour notre part, avec ce que nous sommes, « la beauté cachée du monde ».
N’oublions que la Parole a fait sa demeure parmi nous. Plus de vingt siècles après la venue de Jésus-Christ dans le monde, on en parle encore et cela ne s’arrêtera pas. Tout simplement parce que le Christ est « l’incarnation la plus spectaculaire qui soit du rêve de Dieu pour le monde : une humanité libre, affranchie de toute formes d’oppression » (Raphaël Picon, Un Dieu insoumis, p.100).

Mais au moment où nous célébrons Noël, aurons-nous le courage de retrouver la prédication de Jésus de Nazareth qui nous dévoile la valeur de chacun et chacune ? Aurons-nous l’audace de retrouver dans sa Parole, toute la subversion qui y est contenue, proposant inlassablement, et sous toutes ses formes, le bouleversement de la vie contre l’injustice et contre toute forme de mort ?
Noël, beauté cachée du monde, sera dévoilé par notre seul témoignage. Si rien n’a été fait sans la lumière de Jésus de Nazareth, reconnu par certains comme le Christ, le Messie, rien ne se fera aujourd’hui sans sa lumière qui éclaire notre engagement, notre lutte dans notre monde, contre tout ce qui défigure l’être humain, sans oublier la création, ce jardin dans lequel l’être humain a été placé pour qu’il y soit heureux.
Que Noël, que nous célébrons aujourd’hui, ravive cet élan créateur en chacun et chacune de nous, qui que nous soyons, hommes et femmes de bonne volonté, dans la foi comme en humanité. Que ceux qui croient au ciel s’unissent à ceux qui n’y croient pas ou à ceux qui le cherchent, qu’ils se mobilisent, rejoignant celles et ceux qui marchent déjà grâce à cette lumière, vers plus de justice, vers plus de vérité, vers plus de beauté.
Et… pendant votre marche pour les rejoindre, « assurez-vous de ne pas passer à côté de la beauté cachée. C’est un lien très profond avec tout ce qui vit ». *

Amen.
 

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