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PREDICATION Ma tante s’était faite renverser par une voiture, et la dame qui conduisait s’est arrêtée loin après, en criant du haut de la portière : « Y a du bobo ? Désolé ! » et cela, sans même descendre de voiture. Prise en chasse sur le bd Port-Royal, elle a été forcée de s’arrêter pour constater les dommages. Aussi, la prédication sur le pardon peut-elle être mécomprise comme une facilité poussant à l’irresponsabilité. Jésus propose de pardonner 70 fois 7 fois, il y a des méthématiciens dans la salle, cela fait 490 fois si on fait le compte, c’est-à-dire sans fin, est-ce l'apologie du délit de fuite ? Comment demander à des gens de pardonner l’impardonnable ? Peut-on tirer un trait sur la Shoah, sans revenir sur l’histoire, sans prendre le risque du mépris ou du révisionnisme ? Le pardon peut éventuellement devenir une connivence avec la faute, vous savez ce Syndrome de Stockholm, où la victime pactise finalement avec son preneur d’otage en se soumettant à lui, quitte à le défendre ! Mais dans la parabole que raconte Jésus, il n’a pas de fausse naïveté, pas de mièvrerie pseudoévangélique, car : Pardonner, 1°/ Ce n’est pas renoncer à réprimander : Repensons au texte de dimanche dernier : « Si ton frère a péché, va reprends-le (d’abord) entre toi et lui seul ». Apprendre à pardonner, c'est d'abord se parler en franchise, sans escamoter ce qui fait problème. En trouvant les mots acceptables. 2°/ Pardonner, ce n’est pas renoncer à faire l’état des lieux de la dette, pour aider la personne à prendre conscience des dégâts commis par elle. C’est bien pourquoi dans la parabole, il s’agit d’une dette chiffrée : 10000 talents= 60 Millions de journées de salaire. 1 talent=6000 deniers. Un denier=Une journée de salaire. Une somme faramineuse ! A vues humaines, c’est un homme fini. Face à sa dette, menacé d’esclavage perpétuel. Un peu comme des gens en surendettement sauf qu'il n'y a aucun aménagement de dette possible : à l'époque, c'est la prise ou l'esclavage pour rembourser en nature. Il s’agit d’un texte qui joue sur le décalage entre deux dettes, l’une immense, et l’autre modique (cent deniers, c'étaient 15 Euros !). Pourquoi dois-je vous parler de dette un jour de baptême et de confirmations ? D'abord parce que c'est le texte du jour proposé aux Eglises. Et puis parce que dans l'Evangile, la dette est une façon de décrire notre péché. Dans le Notre Père, on pourrait traduire : « Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à ceux qui nous ont offensés ». La dette est un façon très actuelle de parler. La preuve, c'est que vous les jeunes il y a un fardeau pour votre avenir, c'est la dette que les générations plus anciennes vous ont légué. 1 C'est une faute qui occulte votre devenir. On voit que la dette a quelque chose à voir symboliquement avec la culpabilité. Comme dans l'Evangile, finalement très actuel. Car ce sont bien nos générations post mai 68 qui ont « vécu sur la bête », tout en faisant la promotion du partage tous azimuths. Le résultat, c'est qu'à chaque instant la dette de notre pays augmente, ne serait-ce qu'à cause des intérêts qu'elle génère. On est passés d'une dette publique de 15% du PIB en 1970 à 96 % en 2016 et 105 % aujourd'hui. Cela permet de financer des dépenses qui ne devraient pas l'être. Par exemple payer des intérêts d'anciennes dettes avec de nouvelles dettes. C'est comme une drogue, avec une économie sous amphétamines. C'est alors le réveil qui peut être dur. Trop de dettes peut étouffer l'économie : si la plupart des recettes créées servent à payer la charge de la dette, alors ces recettes ne servent plus à financer les autres activités. C'est ce qui se passe dans la vie de cet homme de l'Evangile : sa vie semble finie. Il est prisonnier de son passé, de son mal-vivre, de son train de vie de patachon. -------------------------------------- Et puis les jeunes aussi ont une dette : c'est celle qu'il ont contractée envers leurs anciens qui leur ont transmis la vie, l'espérance, l'amour, l'éducation, le soutien multiforme qu'ils ont reçu. Ces Anciens auraient pu rester seuls et vivre égoïstement, mais vous les jeunes avez reçu d'eux la vie. Vous avez une dette d'amour en retour de leur amour. Ne croyez pas les gens qui vous disent : « Je me suis fait tout seul ». C'est faux, on se reçoit des autres, ce que nous sommes est pour une bonne part ce que nous avons reçu. Et même l'éducation des parents est un cadeau insigne. Il n'y a pas d'éducation parfaite ni de parents parfaits, je le sais bien parce que j'ai 4 enfants et qu'ils me le rappellent souvent, et puis je me connais. N'empêche qu'être devenu adulte, c'est avoir appris à pardonner à ses parents. A vivre à la bonne distance en faisant ce que vous faites, en vous posant vous-mêmes publiquement dans votre déclaration d'engagement pour la foi, pour l'espérance. Et c'est vous qui le dites. Vous apprenez à honorer vos parents, selon les 10 commandements. Quelque soit votre foi, quelque soit votre éducation reçue d'eux, vous leur rendez hommage et construirez ainsi votre propre parcours. En faisant cela, vous accéder à l'âge adulte de la maturité spirituelle. C'est un passage initiatique protestant très précieux, notre culte de ce matin, puisque notre société, elle, n'est pas capable de matérialiser symboliquement le passage à l'âge adulte, à part avec le droit de vote. Les juifs l'ont bien compris avec la Bar Mitsva et la Bat Mitsva. Ils ont repéré le passage à l'age adulte que représente la vie spirituelle. Vous, vous dites oui à Dieu, et en faisant cela, vous entrer en résonance avec l'enseignement de vos familles, vous entrez dans votre propre histoire spirituelle vers votre destinée personnelle. Et Dieu vous bénit dans votre acte de foi. Nous sommes dont dans la dépendance, face aux déficits faramineux de notre économie, et c'est une dépendance négative, mais nous sommes aussi dans la dépendance positive envers des générations de témoins qui nous ont transmis la foi. Il y a donc un mélange de peur face à l'avenir, puisque la planète va mal et que son économie est plombée par les dettes ; et un mélange de gratitude envers tout ce que vous avons reçu. Or justement, dans l'Evangile de ce matin, c’est l’émotion qui est au cœur de cette histoire. Le roi de ce récit aime. Il laisse parler son cœur. Nous ne sommes pas seuls face à nos dettes. C’est à cause de ce roi que le pardon a une signification. 2 Car on ne peut pardonner que si on a été aimé soi-même, seulement si l'on s’est accepté soi-même. Pardonner, ce n’est donc pas nier le péché, mais aller trouver son frère pour essayer de le gagner, c’est-à-dire l’aider à ne pas sombrer dans le désespoir. Le frère doit percevoir en nous le pardon que nous avons reçu. Il doit sentir en nous, quand nous le reprenons, que nous avons vécu du même pardon. Le tragique dans cette histoire c'est qu' un homme a été pardonné mais n’en n’a pas pris conscience : il semble vivre comme s’il était dans la peur de manquer, de renouer avec la crainte de la dette : il n’est pas délié par une remise de dette qu’il a pourtant reçue, il agit comme si son banquier l’appelait comme autrefois au téléphone en permanence, alors que le cauchemar est terminé. Imaginez Bernard Tapie à qui l'on annoncerait que sa dette est annulée et qui continuerait à harceler ses débiteurs. On dirait un amnésique qui a oublié sa liberté et qui poursuit le remboursement des traites d’emprunt. Alors que le solde du crédit à rembourser a été effacé. C'est pourquoi il promet de rembourser, en demandant un délai, et de ce fait il retombe sur son pauvre débiteur de 100 deniers, pensant résoudre son problème pourtant insoluble avec 15 euros extorqués à l'arrache. Si ce texte nous parle de l’émotion du maître qui est « pris de compassion », (« saisi aux entrailles », ce qui est une expression féminine pour parler de Dieu), il n’est fait aucun état par ailleurs de celle du serviteur auquel la dette a été remise : ni joie, ni larmes de reconnaissances : un être qui semble froid et sans affect, peut-être sans cœur ? Il est très moderne cet homme, absent à Dieu, ni Dieu ni maître. Une mécanique froidement financière l’anime. Il n’a pas été touché, il reste prisonnier de l’angoisse de son passé, il reste agressif à cause de ce qui le lie dans la mémoire de lui-même. On lui remet sa dette, mais on dirait qu'il ne se pardonne pas à lui-même. C'est difficile d'être soi à notre époque où l'image est tellement importante. Il faut paraître alors qu'à l'intérieur cet homme refuse sa remise de dette, il veut payer par lui-même, il veut paraître avec ses œuvres et son profil public sur les réseaux sociaux. La dette est remise, mais rien ne se passe, cet homme ne semble pas délié. Il se montre alors intraitable, dur, cruel, comptable des fautes de son prochain. Il est tombé dans une mécanique comptable pour sa vie. A ce point-là de la prédication, nous avons besoin d’un temps de silence, pour prendre la mesure du fait que notre vie, à nous aussi, a une valeur immense, et que Dieu veut dans son entier la libérer, la délivrer de son péché, de son passé, de sa dette, pour nous la rendre à sa mise en valeur. Nous devons nous-mêmes en retour nous laisser émouvoir par cette émotion de Dieu : dans l’étymologie du terme « émotion », il y a la signification d’une mise en mouvement. Mais nos sociétés ont peur des émotions, alors que ce sont elles qui sont motrices, en bien comme en mal. A force de refouler leur naturel, celui-ci revient au galop. En écoutant nos émotions, notre intuition, nous apprenons à nous connaître nous-mêmes. Autant tenir compte de nos émotions, autant partir à leur écoute, avant qu’elles ne fusent sans contrôle avec les dégâts pudiquement dits « collatéraux » qui s’ensuivent évidemment. Faisons silence : comment ne pas être bouleversé par cet amour inconditionnel qui remet la dette totalement, et ce n’est pas un remboursement partiel, ni un recalcul de crédit pour étaler la dette : non, nous pouvons repartir de ce culte libres, blanchis, réhabilités, par un Dieu qui connaît la valeur réelle 3 de notre repentir. Ce Dieu qui nous voit tels que nous pouvons devenir. Ce Dieu qui voit en nous un avenir, à tout âge. Ensuite à notre tour, si nous avons fait silence, alors nous pourrons être capables de la même compassion de la même émotion favorable envers notre prochain que celle dont nous avons été bénéficiaires. SILENCE Cette question du pardon elle se pose à nous constamment, dans tous les domaines de nos vies, dans nos familles, dans nos couples, dans nos relations avec nos enfants, avec nos parents, entre frères et sœurs, entre chrétiens, combien de blessures refoulées sont autant de liens sur nos vies ! Ces conflits existeront toujours : le monde n’est pas idyllique, le conflit, et la dette existent, et ce récit ne le nie pas. Il donne simplement les moyens d’en sortir. Dire : « pardonne-nous nos offenses », c’est dire que nous sommes en dettes d’amour ; nous avons tellement reçu que nous nous devons aux autres pour un partage exemplaire. Quand on est relation avec l’autre, il s’agit de poser sur lui le même regard que le Maître a posé sur nous, et c’est lui laisser transparaître que nous sommes conscients de bénéficier d’une grâce totale. Alors, nous facilitons le chemin de celui qui a une dette envers nous. C’est un jeu de miroir qui permet que cette lumière reçue éclaire en retour celui qui a une dette envers nous. Que Dieu nous donne, par la participation à la Sainte Cène, cette lumière qui guérit des miasmes des souvenirs non-résolus, de la pestilence des fautes commises et non gérées. Qu'elle assainisse vos relations familiales. Il est temps de vous ouvrir à la lumière du Seigneur dans ce monde qui se prétend des Lumières mais qui vit dans l'obscurité du désespoir. Ne laissons pas se perdre le pardon de Dieu, comme ce serviteur troublé et violent, sans pitié, dans l’impossibilité de pardonner, puisqu’il s’est montré inapte à l’acceptation comme à la réception de son propre pardon. Car il n’a pas été touché, parce qu’il n’a pas été ému. Il est sans pitié. Il est comme notre société qui ne donne pas d'autre chance, qui juge les gens définitivement, qui les « googelise », et inscrit dans l'éternité numérique leurs hauts et leurs bas et surtout leur passé. C’est parce que nous sommes libres, souverainement libres puisque que notre Roi nous a rendus à notre devenir, que nous pouvons oser aborder notre prochain en situation de dette. C’est Dieu qui peut nous donner, non pas de fuir les situations, mais de les affronter souverainement, car c’est Lui qui nous nomme, Lui qui nous porte au-devant du regard des autres, au contact des autres. Devenons des intercesseurs pour autrui. Mettons notre vie en ordre. Portons le pardon au cœur de nos vies. Demandons-le autant pour nous que pour ceux dont nous avons la charge. Que Dieu nous fasse la grâce d’en vivre. Que Dieu vous bénisse chers catéchumènes dans votre jeune vie toute neuve, qu'il vous donne sa force sa sagesse et sa protection pour bâtir un autre monde que celui qui vous a été légué. Comme dans cette histoire, qu'il vous rende à votre avenir, qu'il vous libère du passé qui vous précède. Votre foi de chrétien sera déterminante dans ce grand courant de renouvellement. Dieu sera toujours là à vos côtés pourvu que vous le gardiez en place centrale, votre Seigneur-Sauveur. A lui soit la gloire de génération en génération.

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