Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Prédication : Débattre pour vivre ensemble

            Aujourd’hui les enfants de l’Éducation biblique vont travailler le texte que nous venons de lire avec leurs monitrices et moniteurs. Cela peut paraître étrange de leur proposer un tel récit de controverse sur la circoncision, eux qui ne sont pas, a priori, concernés par ce geste rituel. Mais dans notre parcours intitulé : « Chrétiens dans la ville », le thème du débat et de la controverse dans l’Église nous a semblé essentiel pour la formation religieuse de nos enfants.
            C’est que l’expérience de notre vie en société nous montre, et peut-être de façon assez forte aujourd’hui, que la culture du débat ne va pas de soi et n’est, à coup sûr, pas innée. Débattre : cela s’apprend.
           Dans ce passage du Livre des Actes, il ne s’agit pas tant de savoir si la circoncision est un acte rituel bien-fondé ou non, que de déterminer qui est d’église et qui n’en n’est pas. Et nous allons voir que la question posée ainsi a besoin de se laisser déplacer.
            L’histoire se passe entre Antioche, en Syrie, et Jérusalem. Une dissension commence à diviser très sérieusement les communautés du christianisme naissant. On a d’ailleurs peine à parler encore de communautés chrétiennes tant les prémices sont encore très ancrées dans le judaïsme des apôtres. Des pharisiens qui placent leur foi en Jésus et ont donc rejoint ces communautés naissantes affirment que, pour être sauvés, il faut être circoncis, comme le prescrit la loi juive. Cela nous semble, aujourd’hui, un problème assez facile à régler, mais à l’époque où se passent les faits, sans doute vers 48 ou 49 après Jésus-Christ, c’est un problème redoutable. Et c’est le sujet sur lequel Paul et Pierre vont se fâcher parce que Pierre est accusé par Paul de manquer de courage devant les anciens de Jérusalem et de faire preuve d’hypocrisie sur cette question de la circoncision. Dans la Lettre aux Galates, Paul rappelle ces faits et dit clairement qu’une dispute a éclaté entre Céphas, donc Pierre, et lui : « Jacques, Céphas et Jean, qui étaient considérés comme des colonnes, nous ont donné la main droite, à Barnabé et à moi, en signe de communion : nous irions, nous, vers les non-Juifs, et eux vers les circoncis ; nous devions seulement nous souvenir des pauvres, ce que j'ai fait avec empressement. Mais lorsque Céphas est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu'il avait tort. En effet, avant la venue de quelques personnes de chez Jacques, il mangeait avec les non-Juifs ; mais après leur venue il s'est esquivé et s'est tenu à l'écart, par crainte des circoncis. Les autres Juifs aussi sont entrés dans ce jeu, au point que Barnabé lui-même s'est laissé entraîner par leur double jeu. Quand j'ai vu qu'ils ne marchaient pas droit au regard de la vérité de la bonne nouvelle, j'ai dit à Céphas, devant tout le monde : « Si toi, qui es juif, tu vis à la manière des non-Juifs et non à la manière des Juifs, comment peux-tu contraindre les non-Juifs à adopter les coutumes juives ? » [Galates 2]

Manifestement, Céphas n’assume pas la nouvelle pratique qu’il avait pourtant adoptée en conscience et qui consistait à manger aussi bien avec des païens incirconcis qu’avec des Juifs circoncis et à les considérer disciples du Christ les uns comme les autres au nom de leur foi en Jésus Christ et pas au nom de leur observance de la loi de Moïse. Paul reproche à Céphas de se comporter comme les païens, c’est-à-dire de ne pas être loyal à l’égard de Dieu. Il est maintenant dans une confession où ce n’est plus la loi de Moïse qui justifie, mais la foi et Jésus Christ. Pourtant, il rétrocède dès qu’il se sait sous le regard des anciens de Jérusalem et reprend ses vieilles observances de pureté juives.
            Il arrive très souvent qu’à la suite de décisions pourtant conformes à la vérité et à la théologie d’une église, cette cohérence soit difficile à assumer dans les faits. Nous avons encore en tête la décision de bénir tous les couples mariés, qu’ils soient hétérosexuels ou non, sans faire de distinction, mais nous constatons que neuf ans après, notre Église Protestante Unie de France est encore traversée par des conflits qui s’enracinent dans cette décision et continuent à diviser nos rangs. Le synode avait pourtant cherché à adopter une attitude modérée, pour faire place à la pratique nouvelle, tout en ne forçant personne.
            Un peu comme l’attitude de Jacques, frère du Seigneur, considéré avec Pierre et Jean comme une colonne de l’Église de Jésus Christ, et qui propose en son autorité d’Ancien, reconnu et respecté, de ne pas créer de difficultés aux non-Juifs qui se tournent vers Dieu.
            Vivre ensemble dans les nouvelles communautés chrétiennes, n’allait donc pas de soi. Il fallut faire preuve d’opiniâtreté pour que toutes ces personnes venant d’horizons différents au nom de Jésus Christ puissent cohabiter dans la même dénomination et « faire du commun » là où tout les opposait.
            Nous savons par expérience qu’il faut parfois, même si cela provoque des remous, parler des choses qui fâchent et en débattre, pour ne pas laisser l’hypocrisie s’installer et se retrouver dans la situation de double jeu que décrit Paul dans l’épître aux Galates. Laisser ce double jeu s’installer, c’est accepter que les règles communes n’aient plus aucune autorité et que l’on finisse par user de l’institution créée en commun pour servir des intérêts particuliers et des désirs personnels qui n’ont rien à voir avec l’intérêt commun.
           Dans le Livre des Actes, on comprend la difficulté d’un débat qui touche à l’identité des premières communautés. Comment effectuer le passage de l’ancienne loi juive qui était la boussole des pharisiens qui ont rejoint Jésus Christ et être clair avec cette théologie ouverte sur le paganisme ? Comment délimiter les frontières de la nouvelle église, alors que ce sont des frontières poreuses ? Et comment vivre, au quotidien avec les autres et pour soi-même, les nouvelles règles de vie que l’on s’est données ?
           Les églises sont souvent créées sur des coupures, des séparations, des schismes, et elles se démarquent les unes des autres par leur antagonisme avec la communauté dont elles se sont détachées. Mais ici, la frontière tranchée que propose Paul en voulant effectuer le passage d’une théologie de la Loi à une théologie de la Foi n’est pas si facilement admise et la conversion pure et simple au salut dans la foi, sans les œuvres de la loi, se révèle bien difficile à effectuer pour les Juifs circoncis. Les anciens de Jérusalem sont des Juifs, très observants : pour eux, la loi de Moïse n’est pas un accessoire dont on se passerait facilement. Jacques, le Frère de Jésus, représente très bien ces « judéo-chrétiens » des premières générations de l’église primitive. Il est juif, et Flavius Joseph, l’historien écrit dans ses Antiquités juives : « Le Grand Prêtre Hanne convoqua les juges du Sanhédrin et traduisit devant eux le frère de Jésus appelé Christ – son nom était Jacques – et quelques autres. Il les accusa d’avoir transgressé la Loi et les livra pour qu’ils soient lapidés. Mais tous ceux des habitants de la ville qui passaient pour les plus équitables et stricts observateurs des lois s’en indignèrent et envoyèrent secrètement demander au roi d’ordonner à Hanne de ne plus opérer de la sorte. F. Joseph, Antiquités Juives XX, 197-203.
            On voit ici que Jacques est à la fois défendu par les Juifs observants tout en étant condamné par les autorités du Sanhedrin à être lapidé parce qu’il a transgressé la loi de Moïse. La position des disciples de Jésus paraît, par bien des côtés, intenable tant qu’ils ne se sont pas séparés purement et simplement de leur ancienne communauté juive. Et même si la communauté des disciples de Jésus a acquis une existence propre et autonome des autres religions autour, ses membres, eux, restent ancrés dans leurs anciennes pratiques et transportent avec eux leurs observances et leurs croyances passées. La conversion, même si elle prend la forme d’une décision radicale, n’en est pas moins un processus long et difficile.
           Ainsi, aujourd’hui encore, les personnes qui embrassent la confession réformée en venant notamment du catholicisme sont à la fois très claires sur leur décision, mais il est possible que certaines pratiques catholiques puissent continuer à faire sens pour elles et que les remplacer ou les transformer prend du temps. Il faut retrouver de nouveaux repères et ce n’est pas si simple.
            Le débat raconté dans Actes 15, nous montre les efforts qui sont faits pour ne pas provoquer la rupture entre les Juifs et les païens et ne faire violence à personne dans sa conversion. Outre le fait de se référer à des autorités morales dignes de ce nom, comme Jacques, les apôtres et Paul vont tenter de faire émerger l’essentiel dans cette effervescence théologique : la foi en Jésus Christ comme sauveur. Une voie médiane est trouvée pour rassembler tout le monde sous la même règle : pas besoin de se faire circoncire, mais il faudra renoncer aux pratiques païennes en s’abstenant des souillures des idoles, de l'inconduite sexuelle, des animaux étouffés et du sang. Chacun a fait un pas vers l’autre, et ni l’hypocrisie de Pierre, ni le radicalisme de Paul n’ont gagné. Il s’agit de s’admettre les uns les autres au nom d’un homme dont la mort sur la croix replace chacun devant son humanité et son besoin de salut.
            Ce faisant, le débat pour savoir qui est d’église et qui n’en est pas a été déplacé : la question est maintenant comment vivre ensemble avec nos différences dans la même communion ?
            Là où régnait la coupure, celle de la pureté rituelle, celle symbolisée par la circoncision, là où le chaos du paganisme menaçait, les anciens et parmi eux Jacques, ont trouvé le moyen d’élever la communauté au-dessus des clivages au nom du Christ, retrouvant ainsi l’origine de ce qui les avait saisis dans la rencontre avec le ressuscité. Peut-être arriverons-nous à montrer ce chemin exigeant du débat constructif aux enfants que nous avons la responsabilité d’éduquer. À nous, dans nos institutions ecclésiales de leur montrer l’exemple.                                      AMEN.

 

Musique : Chœur 

Cantique : Louange et Prière n°251 « Je veux, plein de reconnaissance », strophes 1 à 3 [cliquer ici]

Annonces : pour retrouver les annonces, inscrivez-vous à la Newsletter sur notre site en bas de page. 

Collecte : pour faire un don nominatif , cliquez sur le bouton du don joyeux. 
Musique : Orgue

Liturgie de Sainte Cène

Introduction

Quel rêveur, quel réformateur, quel anarchiste, a jamais proposé d’inviter le patron et le manœuvre au même repas, pour les faire boire à la même coupe ? Et pourtant, la sainte cène opère ce miracle ; l’éboueur y porte la coupe à ses lèvres et la passe au député, qui boit après lui… Dans la simplicité de cet acte sans phrases, il y a quelque chose de surnaturel, et qui nous dépasse au point de nous troubler étrangement. L’Évangile y apparaît comme l’énergie égalitaire par excellence. 
Jusque-là, seule la mort pouvait prétendre nous rendre tous égaux face à elle. Toutefois, la mort crée, brutalement, une égalité involontaire entre les personnes, tandis que l’Évangile suscite, harmonieusement, une égalité des vivants consciente et volontaire. Cette communion que nous célébrons tous autour de cette table est un bouleversement de l’ordre social, un ferment de réformes sans limites, une image de l’humanité future, le germe de la “nouvelle terre où la justice habitera”.

Préface 

Ce pain a une histoire. […]
Pour faire la bouchée de pain qui nous est offerte à la table sainte, il a fallu presque un an d’efforts et de collaboration obstinée avec la pluie et avec les rayons du soleil, et tout le travail des hommes, du grainetier à l’agriculteur, du semeur au moissonneur, du transporteur au distributeur, du grossiste au meunier, du meunier au boulanger, du boulanger à cette table.
Ce pain est la nourriture la plus noble qui existe ; c’est le sacrement de la communion avec la nature généreuse et c’est le sacrement de la solidarité humaine, solidarité avec l’humanité au travail, qui a permis que cette nourriture soit sur cette table. Mais ce pain est aussi le symbole d’une inégalité meurtrière. Qui possède le pain, est maître de celui qui ne le possède pas.  Le morceau de pain est au centre du monde ; le jour où toute l’humanité sera pleinement assurée d’en manger, marquera l’avènement du genre humain à la dignité humaine ; c’est alors qu’il se dégagera, définitivement, de l’animalité. Ce pain et cette coupe sont au centre du monde pour nous ce matin, comme pour beaucoup de chrétiens qui célèbrent ce même repas en ce même jour : par le fruit de la vigne, par les épis de blé et le travail des hommes, nous nous souvenons de Jésus-Christ, qui s’est présenté à nous comme le Pain vivant, et comme la vigne. Il a vécu parmi nous, mais nous ne l’avons pas accueilli. Il a été trahi et mené jusqu’à l’abîme de la mort.
 
Spontané : [cliquer ici]

Institution 

Le soir venu, Jésus se mit à table avec les douze. Pendant le repas, il prit du pain et, après avoir rendu grâces, il le rompit et le leur donna en disant : “Prenez, mangez, ceci est mon corps.” Ayant aussi pris la coupe et rendu grâces, il la leur donna en disant : “Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui est répandu pour la multitude, pour le pardon des péchés. Je vous le dis, désormais, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous, dans le Royaume de mon Père.”  

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :