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Prédication : Quand Dieu s'incline vers nous

            Dans ce Psaume, qui est lui-même un chant destiné à parler à Dieu selon la pratique de la psalmodie, il est question du culte que l’homme rend à Dieu. On y retrouve tout le vocabulaire propre à évoquer les différents moments d’un culte, tel qu’on le célèbre encore aujourd’hui.
            Dieu met dans la bouche du psalmiste un « cantique nouveau », une « louange à notre Dieu » ; on trouve dans ce psaume : la loi de Dieu, le repentir, avec les fautes plus nombreuses que les cheveux de la tête, et la grâce que Dieu renouvelle pour le croyant ; mais aussi la confession de foi dans les merveilles faites en sa faveur. On y retrouve la proclamation d’une parole de justice et de vérité à partir du rouleau du livre dont le psalmiste pense qu’il a été écrit pour lui. Et, bien sûr, tout cela dans la grande assemblée, (ecclésia en grec) et (Qohéleth en hébreu, comme le livre biblique du même nom).
            En relisant cette prière chantée, on est surpris de constater que les éléments qui composent le culte rendu à Dieu sont très voisins de ceux de notre pratique liturgique actuelle.
            Mais on sera davantage surpris encore par ce verset : « J'avais mis en l'Éternel mon espérance ; et il s'est incliné vers moi ». Dans ce Psaume, Dieu rejoint l’homme dans son espérance.
            Quand on parle du culte rendu à Dieu, c’est pourtant le mouvement inverse qui vient à l’esprit : les fidèles viennent au culte, qu’on l’appelle office, messe ou service, pour rendre gloire à Dieu et pour le prier, le chanter et être bénis par lui. Le culte est associé à l’obéissance, à l’humilité et à la soumission, plus souvent qu’à la compréhension, à l’écoute et au dialogue. Beaucoup pensent que seuls les adhérents à une doctrine donnée se rendent au culte parce que cela fait partie des observances qu’on leur a demandées selon la dogmatique de leur confession.
            Et même dans le protestantisme où la participation au culte n’est jamais présentée comme une obligation mais comme un acte volontaire du fidèle, l’idée selon laquelle le culte serait un moment où un espace dans lequel Dieu s’incline vers l’être humain ne va pas de soi.
            Cela ne va pas non plus de soi, si l’on en croit la compréhension du culte dans d’autres traditions de la Bible. En effet, d’autres livres bibliques parlent du culte qu’il faut rendre à Dieu avec une logique selon laquelle ce n’est pas Dieu qui s’incline vers l’homme mais l’homme qui semble devoir s’incliner devant Dieu pour obtenir un peu de compassion et de pardon.
            La théologie de la rétribution est très courante dans les textes bibliques parlant du culte rendu à Dieu. Par exemple, dans le livre du Lévitique, on trouve toutes les pratiques sacrificielles qui montrent que l’être humain est l’éternel débiteur de son Dieu ; d’ailleurs, le Livre débute sans donner la raison de ces multiples holocaustes, offrandes ou sacrifices ; il est écrit : « L’Éternel appela Moïse ; de la tente d’assignation, il lui parla et dit : Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur : lorsque l’un d’entre vous fera une offrande à l’Éternel, il offrira du bétail, du gros ou du menu bétail. » (Lévitique 1 : 1-2) La seule indication importante ici, c’est qu’on offre en sacrifice des animaux et que les sacrifices humains ne sont pas admis, mais, pour le reste, il semble que le fait que les enfants de Dieu lui apportent des offrandes aille de soi. En regardant la typologie des offrandes qui sont énumérées dans le livre, on comprend que le fidèle fait des offrandes à Dieu pour rétablir l’ordre harmonieux que Dieu a voulu pour lui dans l’alliance. Il entretient de bonnes relations avec son Dieu grâce aux cadeaux qu’il lui offre. Il achète la paix.
            Le fidèle peut faire des sacrifices d’action de grâce, pour remercier, il peut faire des sacrifices d’expiation, pour obtenir le pardon sur une faute, il fait aussi des sacrifices de culpabilité, pour effacer sa souillure. En ce qui concerne les offrandes, elles sont liées à ce que donnent les moissons et les récoltes. Ainsi, la dîme (un dixième) de tout ce que l’on possède revient à Dieu parce qu’au bout du compte, c’est Dieu qui a donné ce que l’on a. L’homme est débiteur de sa vie comme de sa liberté, c’est même la première chose qu’il doit au Dieu libérateur et dont découle toute autre dette. Dans le Livre du Deutéronome, la Pâque est présentée comme le mémorial du temps cyclique marqué par la libération du peuple. Il est écrit : « Observe le mois des épis, et célèbre la Pâque en l’honneur de l’Éternel, ton Dieu ; car c’est dans le mois des épis que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait sortir d’Égypte, pendant la nuit ».
            Dans ce grand marché divin-humain où l’attention divine à l’être humain semble partout monnayée, on cherche avec difficulté la relation d’amour gracieuse dont nos Églises parlent sans cesse aujourd’hui. C’est, me direz-vous, que le culte selon Jésus, ne se comprenait déjà plus de la même façon que dans les lois du Lévitique et du Deutéronome.
            Sans doute, mais Jésus n’est pas l’inventeur de cette relation affectueuse et gracieuse à Dieu. Il s’inspire de prophètes qui, avant lui, donnent au culte rendu à Dieu une autre signification que la rétribution. Dans le Livre du Prophète Ézéchiel, on lit : « Je suis vivant ! dit le Seigneur, l’Éternel, ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure, c’est qu’il change de conduite et qu’il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie. » (Ezéchiel 33 : 11). Ce livre prophétique fait la critique des leaders religieux qui induisent en erreur les fidèles en rendant un culte hypocrite à Dieu et en demandant l’impossible aux fidèles pour se gratifier eux-mêmes des offrandes du temple. On peut lire : « Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Voici, j’en veux aux bergers ! je reprendrai mes brebis d’entre leurs mains, je ne les laisserai plus paître mes brebis, et ils ne se paîtront plus eux-mêmes ; je délivrerai mes brebis de leur bouche, et elles ne seront plus pour eux une proie. » (Ezéchiel 34 : 10).
            Dans ce jeu d’échanges entre Dieu et les fidèles, les responsables du culte sont montrés du doigt parce qu’ils se servent de la culpabilité de chacun envers un Dieu exigeant, pour prendre leur commission sur le paiement de l’expiation.
            Dans Ezéchiel toujours, on lit une autre critique qui concerne la cohérence entre les paroles et les actes : « Et ils vont vers toi comme se rassemble le peuple ; ils s’asseyent devant toi, eux, mon peuple ; ils écoutent tes paroles sans les mettre en pratique ; car leur bouche est pleine des passions qu’ils veulent assouvir, et leur cœur s’attache au profit. » (Ézéchiel 33 : 31)
            C’est cette voie de l’exigence éthique que Jésus semble avoir suivie dans son enseignement et l’on retrouve sa critique du culte jugé hypocrite parce qu’il n’est pas fait dans l’esprit qui sied à Dieu tel qu’il le comprend : « Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara : Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » (Matthieu 23 : 1-4).
            « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais » pourraient dire les scribes et les pharisiens.
            Cette critique d’un culte qui ne serait que paroles creuses sans conséquences dans la vie pratique se retrouvait déjà dans Ésaïe quand il formulait cette demande de la part de Dieu : « Le jeûne auquel je prends plaisir : Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, et que l’on rompe toute espèce de joug ; partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable. » (Ésaïe 58 : 6-7)
            En lisant les critiques qui sont faites à propos de l’observance religieuse et du culte, on retrouve la position des réformateurs qui voulaient que le culte rendu à Dieu soit désintéressé et cohérent avec une éthique de vie guidée par les commandements de Dieu. C’est l’hypocrisie du culte rendu à Dieu pour que l’Église des hommes s’enrichisse, qui est la cible des réformateurs. Leur conception du culte change, dès lors que leur conception de l’Église a changé.
            Pour Luther, le culte est le moment où les hommes et les femmes s’assemblent pour annoncer et écouter la Parole de Dieu, et ce moment produit l’Église. Martin Luther déclare en 1521 : « Ce n’est pas parce que l’Église parle qu’il y a parole de Dieu. Mais quand la parole est dite, alors voici l’Église. Elle ne crée pas la Parole, elle est créée par la Parole. » (cité dans : André Gounelle, Les grands principes du protestantisme, Olivetan p.53).
D’une Église qui refait le sacrifice de Jésus Christ pour annoncer le salut de Dieu à des fidèles coupables, on passe alors à une Église qui administre le sacrement offert aux fidèles par Dieu. D’après le réformateur Melanchthon, dans le sacrement, c’est Dieu qui apporte quelque chose à l’Homme. La Cène n’a donc plus la même signification et l’Église n’a plus le même rôle. L’Église existe là où les fidèles s’assemblent à l’écoute d’un Dieu qui les rejoint.
            Dans le Psaume 40, on lit : « Tu n'as désiré ni sacrifice ni offrande, tu m'as ouvert les oreilles ; tu n'as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors je dis : voici je viens avec le rouleau du livre écrit pour moi ».
            Nous ne sommes plus dans la théologie de la rétribution, ici, mais dans un rendez-vous avec un Dieu qui veut parler à l’être humain et lui donne pour base de son enseignement, les écrits de ceux qui ont recueilli les paroles qu’il avait inspirées en eux, dans la foi, dans la confiance, parfois même un peu dans la crainte.
            Ainsi, dire que nous venons au culte parce que nous en avons besoin, n’a rien de surprenant, puisque c’est un don de Dieu pour nous. ... À travers la prédication et la Cène, à travers les paroles bibliques qui sont dites dans toutes nos liturgies, et même à travers les prières et demandes toutes humaines que nous adressons à Dieu, c’est Dieu qui s’incline vers nous et vient à notre rencontre. Vous comprendrez ainsi pourquoi il n’y a aucune obligation de culte dans notre confession, le culte est un appel de Dieu vers nous et nous sommes libres d’y répondre ou non. Il ne s’agit plus de régler de vieux comptes entre Dieu et nous, puisque la grâce de Dieu nous attend toujours, elle nous précède et nous la redécouvrons quand nous nous mettons à l’écoute de ce que Dieu dit dans la prière, dans la méditation des Écritures, dans l’oraison faite en privé ou la louange faite collectivement.
            Le culte, l’adoration, n’est donc que la réponse à l’interpellation d’un Dieu qui nous parle et qui, pour que nous comprenions l’amour qu’il a pour nous, s’incline vers chacun et se fait proche.
            Alors, en attendant le prochain rendez-vous divin, que chacun se dise comme le psalmiste : « Le Seigneur pense à moi, tu es mon secours et mon libérateur : mon Dieu, ne tarde pas ! »   AMEN.

 

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