eu, dans les cieux et sur la terre et d’éternité en éternité.
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Prière d’illumination :
Seigneur, ouvre notre esprit à l’intelligence de ta Parole.
Et que notre cœur demeure brûlant tandis que tu nous parles.
Comme la pluie féconde la terre et fait germer la semence,
Que ta Parole, Seigneur, accomplisse,
Au cœur de notre vie, ta volonté,
qu’elle féconde notre vie,
Et lui permette de porter des fruits.
Oui, que ta Parole soit la vérité de nos existences,
La lampe de nos pas. Amen.
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Matthieu 2:11
Cantique des Cantiques 5:13-14
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Amis, frères et sœurs,
Cette année, nous poursuivons avec les enfants de l’éducation biblique, notre apprentissage des arbres de la Bible. Après avoir découvert le figuier comme symbole de la patience de Dieu, au mois d’octobre, l’arbre que nous découvrons en novembre, est celui de la myrrhe comme soin de notre humanité.
Mais qu’est ce que la myrrhe ? C’est une gomme résineuse, produite naturellement par un excès de sécrétion que l’on trouve, sous l’écorce de certains arbres ou arbustes de la famille des « Burséracées », particulièrement en Abyssinie et en Arabie, mais qu’on ne trouve pas en Palestine. La myrrhe est donc un produit d’importation très recherché. La myrrhe est utilisée pour les soins de beauté du corps des femmes, mais aussi pour parfumer le lit et les vêtements. Elle sert aussi à embaumer le corps des défunts. Cette résine, d’une consistance très dure, se distille au contact d’un liquide ou se mélange à l’huile. Elle a une saveur acre, légèrement amère, d’où la racine d’origine sémitique de son nom. Elle dégage une odeur à la fois capiteuse et relaxante.
La myrrhe a des vertus analgésiques. Selon le livre des Proverbes, (31,6), il est écrit : « Procure des boissons fortes à qui va mourir ». Du vin, auquel on additionnait de la myrrhe provoquait une sorte de sédation et permettait de supporter la douleur.
La myrrhe est donc l’un des trois présents qui a été fait à Jésus, au moment de sa naissance. En effet, dans l’extrait de l’évangile de Matthieu que nous venons d’entendre, il est raconté que des savants, qu’on appelle aussi des mages, sont venus de pays orientaux, extérieurs à Israël, en suivant une étoile, pour arriver jusqu’à Bethléem, lieu de la naissance de Jésus, pour adorer l’enfant. Dans leurs bagages, ils avaient amenés des cadeaux, dont trois qui ont marqué le souvenir de l’Evangéliste, à savoir l’or, l’encens et la myrrhe. Longtemps on a cherché ce que pouvaient signifier ces trois présents. Ce sont les Pères de l’Eglise, comme Irénée de Lyon, au IIème siècle, ou Saint Grégoire le Grand, au VIème siècle, qui ont donné une interprétation pour chacun d’eux.
L’or, inaltérable, symbolise dans l’Antiquité, la royauté, la puissance et le règne. L’or est abondamment présent dans la Bible, dans les récits des Patriarches, (Ge 13, 2; 24, 35), comme à la sortie d’Egypte, (Ex 12, 35). Il désigne ici la dignité royale de Jésus.
L’encens est une autre résine qui, en brûlant, dégage une fumée qui monte vers le ciel, symbolisant la prière montant vers Dieu. «Que ma prière devant toi s'élève comme un encens » dit le psalmiste. (Ps 141, 2). Comme il était utilisé dans le temple de Jérusalem, l’encens est le symbole de la divinité. Il désigne alors la nature divine de Jésus.
La myrrhe, quant à elle, est une résine aux vertus les plus diverses. Elle est citée une petite vingtaine de fois dans la Bible, et pour des emplois très différents, allant du sacré au profane, des délices de l’amour aux soins ultimes de la dépouille. La première mention se trouve dans le livre de l’Exode, (30,23). L’Eternel demande à Moïse de se procurer 5 kilos de myrrhe et de les mélanger à d’autres aromates, afin de fabriquer une huile qui permettra de consacrer la tente de la rencontre et l’arche de l’alliance, délimitant ainsi l’espace sacré de l’espace profane.
Mais on retrouve la myrrhe à plusieurs endroits du premier Testament, en particulier, au livre d’Esther, (2, 12 à 14). Douze mois avant de rencontrer le roi, Assuérus, les jeunes filles du harem enduisaient leur corps avec de la myrrhe, pendant les six premiers mois de l’année, puis avec d’autres onguents pendant les six autres mois, afin de rendre leur corps encore plus désirable. La myrrhe a donc des vertus érotiques, comme cela est décrit de façon détaillée dans le Cantique des Cantiques, qui mentionne la myrrhe pas moins de sept fois en huit chapitres ! « Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe, qui repose entre mes seins». (Ct 1,13).
La myrrhe a également des vertus thérapeutiques. Bien qu'il est possible de trouver la myrrhe sous forme de boulettes de résine ou d’huile essentielle, la forme médicinale la plus répandue et la plus utile est la teinture. Elle soigne alors les irritations des muqueuses de la bouche ou de la gorge, ou la cicatrisation des blessures légères. Au cours des combats, les soldats grecs en avaient toujours à portée de main, car ils connaissaient ses propriétés antiseptiques et anti-inflammatoires. Elle servait à nettoyer les blessures et à prévenir l'infection ou la progression de la gangrène lorsque l'infection était déjà installée. Les vertus médicinales de la myrrhe font toujours leurs preuves aujourd’hui, dans de nombreux pays du monde, grâce à une pharmacopée extrêmement précise, à observer méticuleusement, de peur que les qualités de cette gomme résineuse ne se retournent contre la personne qui l’utiliserait de façon exagérée ou inappropriée.
La myrrhe offerte à Jésus lors de sa naissance symbolise donc son humanité. Elle sera mentionnée deux fois au cours de la vie de Jésus : une fois au moment de sa crucifixion, dans l’Evangile de Marc, (Marc 15, 22 et 23), les soldats lui proposent du vin mélangé à de la myrrhe, ce qui l’aurait en quelque sorte anesthésié, ce que Jésus refuse. Il restera ainsi solidaire des souffrances humaines. La myrrhe fait aussi partie de ces onguents mélangés à d’autres aromates, comme l’aloès qui servent à embaumer les corps des défunts. Les Égyptiens s'en servaient quotidiennement dans leurs rituels sacrés ainsi que pour embaumer leurs pharaons. Cette utilisation de la myrrhe est particulièrement mentionnée dans l’évangile de Jean (Jean 19, 38-39), lorsque Nicodème, l’homme qui était venu rencontrer Jésus de nuit, au tout début de ce même Evangile, n’hésite pas à venir chercher le corps de Jésus, après sa mort, aidé par Joseph d’Arimathée. Il apporte près de 30 kilos de myrrhe et d’aloès, afin d’envelopper le corps de Jésus avec des bandelettes enduites de ces aromates, comme c’était la coutume chez les Juifs à cette époque. On peut s’étonner de cette quantité énorme, voire disproportionnée, indiquée par l’évangéliste. En effet, cette quantité correspond à un ensevelissement d’une personne royale, comme cela est mentionné dans le 2ème livre des Chroniques, (16,14), pour les funérailles du roi Asa. Selon Jean l’évangéliste, Nicodème traite donc le corps de Jésus, comme le corps d’un roi, méritant les plus grands honneurs. C’est sa manière à lui de déclarer ouvertement que Jésus est roi et de confirmer l’exactitude de l’écriteau « Celui-ci est le roi des Juifs », posé quelques heures auparavant, par Pilate.*
On ne peut pas dissocier la myrrhe de l’ensevelissement de Jésus de la myrrhe offerte par les mages orientaux à sa naissance. Si la myrrhe désigne l’humanité de Jésus, et que la myrrhe se rapporte essentiellement aux soins du corps, du plaisir amoureux à la guérison des blessures, jusqu’à la conservation ultime du corps défunt, la myrrhe offerte à Jésus annonce déjà son ministère de guérison, non seulement des corps mais aussi des âmes, libérant les hommes dans leur relation à Dieu. Cette myrrhe offerte est le symbole d’un monde déjà soigné, déjà guéri, et même déjà réconcilié avec la mort, intégrée à la vie sans que cela fasse peur. Mais la myrrhe déposée aux pieds de cet enfant est une promesse. Tout est déjà là, en germe, mais tout reste à faire, tout en gardant cette confiance absolue que cela se réalise, chaque fois que l’humanité de l’être humain est soignée, d’une façon ou d’une autre, corporellement et spirituellement.
Pour l’Evangéliste Matthieu, ce sont les païens, autrement dit, les non-Juifs, qui ont reconnu en Jésus cette promesse en devenir. Cette reconnaissance ne se limite plus à Israël mais elle s’élargit à l’universalité du monde. Elle rejoint notre monde d’aujourd’hui, qui a bien besoin de voir son espérance restaurée dans toutes ses dimensions. L’année que nous vivons en ce moment, avec ses deux confinements successifs, montre à quel point notre humanité a besoin d’être soignée et pas seulement du Covid. Alors que nous sommes confinés, avec plus ou moins de rigueur, alors que nos relations sont régies par la distanciation physique, le port du masque et les mains passées au gel hydro-alcoolique, alors que nos vies personnelles, familiales, professionnelles, culturelles, ecclésiales, se vivent essentiellement par écrans interposés, nous avons certainement l’impression de vivre une vie réduite à une peau de chagrin. Elles s’accompagnent aussi d’une remise en question de nos fonctionnements institutionnels et sociétaux, qui se manifeste dans une violence difficilement supportable. Les nouvelles du monde ne sont pas rassurantes. Sans oublier la menace terroriste qui plane au-dessus de nos têtes, comme une épée de Damoclès, les services de réanimation débordent, certaines personnes ne sont plus soignées à temps pour d’autres maladies hors Covid. Le comble, pour ces professionnels du soin, c’est d’avoir ce choix crucial à faire : qui soigner en priorité ?
La question qui se pose quotidiennement aux personnels hospitaliers, nous pouvons l’élargir à nous-mêmes. Comment prendre soin les uns des autres en ce moment ? Comment soigner notre propre humanité ? Que soigner en priorité ? A défaut d’utiliser de la myrrhe concrètement pour nous-mêmes, comment allons-nous être de la myrrhe symbolique, les uns pour les autres ? Qu’est ce que nous allons pouvoir inventer pour rendre la vitalité à l’autre, en train de céder à la déprime, inquiet pour son avenir, bloqué dans une impasse ? Dans notre contexte complexe, nous sommes invités à garder la tête froide, mais à cultiver la chaleur de notre cœur, à prendre soin de notre propre humanité. Prendre soin de son humanité consiste à se souvenir des pépites de myrrhe que nous avons reçues, soit dans un passé proche, soit dans un passé lointain, sous la forme d’amitié, d’amour, de tendresse, c’est se souvenir des belles choses , pour reprendre le titre d’un film,** se souvenir de comment les prochains, parfois inattendus, nous ont aidés, en posant leur main sur notre épaule, en partageant la tempête de nos existences, nous disant les mots qui rassurent, qui soulagent, qui cicatrisent, qui réconcilient. Pensons encore à celles et ceux qui nous ont fait confiance, alors que l’on ne s’en sentait pas dignes, à celles et ceux qui étaient là, pour partager le chagrin, la solitude, la remise en question. Pensons à celles et ceux à qui on a pu avouer « sa faiblesse sans que l’autre s’en serve pour affirmer sa force », selon la citation de Cesare Pavese***. Se souvenir et rendre grâces. Prendre soin de son humanité, c’est abandonner la médisance, la méchanceté gratuite, c’est sortir de la spirale infernale du jugement hâtif et de la comparaison destructrice et culpabilisante. Prendre soin de sa propre humanité, c’est prendre soin de l’humanité des autres et se poser la question : comment vais-je m’y prendre pour donner tout ce que j’ai reçu ? Et retrouver ainsi les gestes élémentaires de la solidarité, pas forcément matérielle, mais morale, spirituelle, amicale, fraternelle. Prendre soin de son humanité, avec la foi qui est la nôtre, indépendamment d’une identité religieuse, c’est garder le lien, la communion, par la prière, le partage d’une pensée, d’un tableau, d’une musique. Etre présents les uns aux autres, être un présent les uns pour les autres, comme des pépites de myrrhe. N’ayons pas peur de faire confiance à la vie, qui, de toute façon, a beaucoup plus d’imagination que nous.
Amen