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Prédication

Oser l'évangile encore et toujours.
Actes 5 : 17-42

Amis, frères et sœurs,

Nous continuons notre découverte du livre des Actes et nous suivons les pérégrinations des Apôtres. Depuis Pentecôte, rien n’arrête la parole des apôtres. C’est la seconde fois qu’ils se retrouvent en prison, la seconde fois qu’ils comparaissent devant le Sanhédrin, le tribunal ecclésiastique juif. Ils sont, en quelque sorte, irrécupérables pour la justice de leur époque.

Bien que les apôtres soient des gens quelconques et sans grande instruction, ils remportent un franc succès et l’adhésion de tout le peuple. En effet, beaucoup de prodiges et de guérisons se produisent avec eux. Le peuple, qui est sur le seuil et qui est témoin de tous ces miracles, n’ose pas s’intégrer au groupe des apôtres, ni rejoindre les personnes guéries. Par contre, les personnes qui ont d’énormes problèmes de santé physiques ou psychiques n’hésitent à s’approcher, pour bénéficier ne serait-ce que du passage de l’ombre de Pierre, dans une communion quasi mystique, afin d’être guéris.

Dans ce récit, d’un côté, nous avons le Grand-prêtre du temple de Jérusalem, Caïphe, entouré du parti des Sadducéens et du Sanhédrin. Les Sadducéens ne croient pas à la résurrection en général. Leur notion de la vie est contrainte entre la naissance et la mort. Favorables au pouvoir romain, hostiles aux disciples de Jésus, ils n’admettent pas la résurrection particulière de Jésus. La période n’est donc pas propice aux apôtres. Les Sadducéens censuraient la parole de ceux qui avaient une autre théologie qu’eux. Depuis la Pentecôte, ils s’opposent donc à l’Eglise naissante. De plus, ils sont enfermés dans un passé, qui est plutôt un passif, celui d’avoir condamné et fait exécuter Jésus de Nazareth, ce qu’ils n’assument pas. Lorsque l’opposition est trop forte, ils n’ont qu’une solution : supprimer ceux qui les dérangent. Ils enferment et ils tuent. C’est le modèle classique d’une dictature, dont la force réside dans un pouvoir absolu, et dont la seule peur est de perdre ce pouvoir, ce qui est la marque même de sa fragilité. Par deux fois, ils interdisent aux apôtres d’annoncer la Parole, de transmettre l’enseignement de Jésus, et même de prononcer le Nom, son nom. Les apôtres résistent et transgressent. Les Sadducéens n’ont qu’une seule réponse : les faire mourir.

De l’autre côté, nous avons une parole qui circule librement, contre toute attente. Pour la seconde fois, les apôtres se retrouvent en prison, dont on peut imaginer que les conditions de détention ne sont pas idéales. Mais ils sont secourus par « l’Ange du Seigneur », expression toute désignée de l’Ancien Testament pour personnifier l’intervention même de Dieu, en faveur de son peuple. L’ange par définition, c’est le messager qui a des ailes, figure indomptable de la liberté, qui passe partout et à qui aucun verrou ne résiste. Ici, il ouvre les portes pour laisser partir les apôtres. Il renvoie les apôtres à leur mission : « Allez » ! Il leur redonne confiance et courage : « Tenez-vous dans le temple », et il les exhorte à témoigner : « Annoncez au peuple toutes ces paroles de vie », ou plutôt : toutes les paroles de cette vie ; autrement dit, toutes les paroles qui concernent la vie du Ressuscité. Et pour démontrer que ce qui se passe est bien de l’ordre du divin, lorsque le moment est venu d’aller chercher les apôtres pour comparaître devant le Sanhédrin, il est précisé que les portes de la prison sont soigneusement fermées, que les gardes sont bien en faction devant la cellule, mais que la cellule est bel et bien vidée de ses occupants. Les apôtres échappent à tout ce qui était prévu : on les croit en prison, alors qu’ils sont au Temple. On les croit muselés par l’autorité, alors qu’ils instruisent le peuple. Ils suivent leur propre chemin de résurrection : à l’inverse de Jésus qui, au moment de sa Passion, passe du Temple au prétoire, pour être condamné à mort, les apôtres sortent de prison pour aller au Temple témoigner de la vie du Ressuscité. Lorsqu’on les arrête, ils suivent leurs oppresseurs sans résistance, et les oppresseurs ne leur font pas violence, à cause de la foule qui soutient les apôtres, alors que cette même foule, peu de temps avant, s’opposait à Jésus, en hurlant de le mettre à mort. Les apôtres n’ont pas peur de se retrouver devant le Sanhédrin. Pierre, devant le Grand-prêtre, est littéralement porté par sa foi. Il parle avec assurance, il est convaincu qu’il fait le bon choix : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Et pour lui, faire le bon choix, c’est faire le choix du Ressuscité. Et le Ressuscité, « c’est celui que Dieu a exalté par sa droite, comme Prince et Sauveur, venu pour sauver Israël, et lui donner le pardon de ses péchés ». Nous pouvons noter qu’à ce moment précis du texte, Pierre n’a pas encore rencontré Corneille, et que la mission de Jésus le Christ, semble se limiter qu’à Israël et ne s’élargit pas encore aux non-juifs.

A ceux qui pensent avoir le pouvoir absolu, Pierre est en train de dire que le pouvoir humain n’est que secondaire, par rapport à la vie donnée par le Ressuscité, le Christ, ou le Messie. Le Sanhédrin, exaspéré, n’a qu’une seule réponse : la mort !

C’est alors qu’entre en scène, un homme, un Pharisien, nommé Gamaliel. Qui est-il ce Gamaliel ? Il est le petit-fils de Hillel, qui est le fondateur de la plus libérale des deux écoles de Pharisiens. Gamaliel est le plus illustre enseignant juif de son temps. Il prône sans cesse la modération et cela transparaît dans ses recommandations de prudence. Très instruit, il a étudié non seulement la Torah mais aussi la littérature grecque. Il est réputé pour sa souplesse à l’égard de l’observance moins rigoureuse et moins pesante du Sabbat que la plupart de ses collègues. Il encourage la bienveillance envers les non-juifs. Parmi ses élèves, figure le futur apôtre Paul. Pourquoi est-il estimé du peuple ? Parce qu’il sait se mettre à distance des différentes situations ; il choisit toujours de prendre du recul, en gardant son sang-froid ; il prend de la hauteur. Il est tout simplement un sage, qui reconsidère les choses du point de vue de Dieu. Il n’a aucun pouvoir à défendre ; il n’est pas un fanatique et il ne se laisse pas gouverner par la peur. Autrement dit, il se laisse enseigner par Dieu. Et en tant que chef d’école, il enseigne les autres à se laisser enseigner par Dieu. Il raisonne donc avec sa conscience et il propose à ses collègues d’en faire autant : « N’allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu » leur dit-il. (v. 39). Si on tue tous ceux qui prêchent Dieu, cela sera un blasphème contre Dieu. Gamaliel invite les Sadducéens et le Sanhédrin à bien examiner ce qui se passe autour d’eux. Il prend l’exemple de situations de révoltes religieuses qui ont avorté d’elles-mêmes, comme celles menées par un certain Theudas, ou un certain Judas le Galiléen. Quand il y a de la violence pour régler un débat théologique, c’est qu’il y a derrière, un désir de pouvoir humain, ainsi que le manifestent les Sadducéens. Alors, dans cette situation particulière des apôtres, de deux choses l’une : ou bien leur entreprise n’est qu’une œuvre humaine, et elle est vouée à disparaître d’elle-même, ou bien elle vient de Dieu, et quelques soient les moyens qui seront employés, elle ne pourra pas disparaître.  Par conséquent, c’est plus sage de les laisser aller. Les apôtres reçoivent ici un appui inattendu. Gamaliel est en train de suggérer que c’est mieux de laisser prêcher les chrétiens, même si on n’est pas d’accord avec leurs idées, plutôt que de les supprimer. Gamaliel met le pouvoir absolu des Sadducéens en jeu par le doute. Parce qu’au fond, on peut se tromper. On ne peut jamais savoir. Seul Dieu peut départager ceux qui parlent en son nom. Et en ce sens, Gamaliel est profondément honnête et reste fidèle à ses convictions. Est-il seulement conscient qu’il est en train de prendre un risque ? Et de rendre crédible le Ressuscité lui-même ? Car il va à l’encontre de ce que ses collègues Sadducéens avaient demandé, à savoir l’interdiction aux apôtres de proclamer la Résurrection du Christ, et de témoigner de la vie du Ressuscité en eux et autour d’eux. Parce que prêcher Jésus ressuscité, c’est le susciter encore et toujours ; c’est oser l’Evangile, encore et toujours ; c’est rendre Jésus vivant en permanence ; c’est faire de cette annonce, une Bonne Nouvelle qui donne et redonne inlassablement, fidèlement, une raison de vivre et d’espérer, mais aussi de lutter pour la justice, la dignité, la liberté, et de résister à toute forme de mal, identifié ou caché, avec une conviction à la fois pacifique, inébranlable, voire jubilatoire. C’est exactement la mission de l’Eglise naissante : annoncer, transmettre « les paroles de cette vie », qui font écho à la réponse que Simon-Pierre, alors disciple du Nazaréen, lorsqu’il dira à Jésus : « Seigneur à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle », que nous trouvons dans l’Evangile de Jean, écrit bien après les Actes des Apôtres.

Contre toute attente, la proposition de Gamaliel est acceptée par les Sadducéens et le Sanhédrin. Les apôtres sont relâchés, sûrement à contre cœur, puisqu’ils sont battus de verges avant de sortir libres. Libres et heureux, nous dit le texte, « d’avoir été trouvés dignes de subir des outrages pour le Nom ». L’Eglise naissante reste en vie. Elle va progresser. Elle n’aura de cesse de progresser, de siècle en siècle, avec ses hauts et ses bas, ses qualités et ses défauts, avec ses avancées lumineuses et ses coups bas sordides, avec la proclamation de la Parole qui donne la vie, mais avec la tentation permanente de confisquer cette même Parole pour mieux garder le pouvoir. Pourtant, l’Eglise devrait le savoir : depuis la Pentecôte, les barreaux d’aucune prison ne peuvent museler la parole d’un homme, quand il annonce aux captifs la liberté, aux aveugles le retour à la vue, la libération de tout esclavage, mais aussi le renvoi des riches, les mains vides, la dispersion des hommes aux pensées orgueilleuses, et les pauvres comblés de biens et nourris à satiété, sans oublier les derniers qui deviennent les premiers, les plus humbles qui se retrouvent aux places d’honneur et les femmes qui rencontrent les premières le Ressuscité. C’est ce que procure la vie du Ressuscité en chacun qui accepte de le recevoir. Et les apôtres sont bien placés pour en témoigner, jusqu’au don de leur propre vie. Même s’ils la perdent à cause de leur témoignage, la Parole qui libère, qui n’a de cesse de créer, restaurer, de rendre la dignité, de guérir, demeure éternellement.

Les apôtres libérés, se retrouvent à nouveau dans le Temple, mais aussi dans les églises de maison, pour enseigner et annoncer la bonne nouvelle que Jésus est le Messie. Le Christianisme naissant fait face aux Sadducéens qui, eux aussi, annoncent une parole. Dans le Temple, il y a donc ces deux types de paroles, aussi puissantes l’une que l’autre.

Et c’est toujours d’actualité. Au nom de Dieu :

D’un côté, il y a la Parole qui musèle la vie, en la contraignant, en mettant des entraves, en imposant des obligations. C’est une parole qui censure, enferme, conserve, garde, juge, culpabilise, confisque, et qui finit par tuer. La vraie prison, c’est la Parole détenue. Elle finit par mourir. Les Sadducéens disparaîtront avec la chute du Temple.

De l’autre, il y a la Parole qui libère la vie, qui circule, qui s’adapte aux circonstances, qui évolue, qui traduit, qui actualise, qui innove, qui engage et qui lutte. On ne peut pas la détenir, parce qu’on ne la possède jamais. Aussitôt proclamée, elle n’appartient à personne, elle est à tout le monde, parce qu’elle est donnée. Offerte sans condition, pour l’épanouissement du monde, pour la plénitude et l’intégrité de tous ; la nouveauté des idées qu’elle engendre est sans limite. C’est le Christianisme naissant, qui prêche le Ressuscité, qui agit toujours en Ressuscité, c'est-à-dire qu’il suscite à nouveau, par une Parole active, qui relève, qui éveille, qui fait tenir debout.

Cette Parole est toujours actuelle. Elle n’a pas de fin. Rien n’arrête la parole des Apôtres d’aujourd’hui qui annoncent la vie donnée par le Ressuscité. Une seule chose reste à faire : chanter à Dieu notre reconnaissance !

Amen.

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